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Pov, du sarcasme dans le crayon

Ils font souvent rire, parfois même rire jaune. Mais ils font toujours mouche. Les dessins de presse de Pov, c’est un peu comme le carré de chocolat qui vient avec le café. Les gros gourmands se jettent dessus : à peine le journal en main, ils filent page 3 dévorer la vignette colorée. Et puis il y a ceux qui, épicuriens, font durer le plaisir et gardent, disent-ils, le meilleur pour la fin. Rencontre avec le croqueur d’actu de l’Océan Indien.

Au rendez-vous fixé dans un quartier animé d’Antananarivo, Pov a 30 minutes de retard. Le dessinateur de presse n’a rien perdu des bonnes habitudes malgaches. Pourtant, il aurait pu. Celui qui vit à Maurice depuis 2006, n’était pas revenu sur sa Grande Île depuis 5 ans.  J’ai pris une claque en rentrant  avouera-t-il. Jean, t-shirt, casquette, baskets et sac à dos, avec son look de grand ado, il masque aisément ses 43 printemps. Enfant de Tana, il commence à dessiner sur les bancs du réputé lycée Saint-Michel. Après le bac, il poursuit ses études à la faculté de sciences à Ankatso, mais très vite, abandonne : le quotidien national Midi Madagascar, recherche un dessinateur. Il saute sur l’occasion. Il a 22 ans. Durant neuf ans, il affute ses crayons au sein du journal qui vit ses heures de gloire.

 

Malgache, Pov vit désormais à l'Ile Maurice.

Malgache, Pov vit désormais à l'Ile Maurice. ©Sarah Tetaud

Puis, c’est le grand saut à l’international. Après un passage par l’Allemagne puis le Royaume-Uni pour se former au journalisme, il postule à l’Express de Maurice, le quotidien national de l’Île de l’Océan indien, dans lequel il est embauché en 2006. Il rêve de faire de la BD, y parvient enfin en 2010, lorsqu’un éditeur réunionnais publie le premier tome de sa trilogie, Mégacomplots à Tananarive. Mais c’est le dessin de presse qui le fait vivre. En 2008, il est recruté en parallèle à l’Express de Madagascar. Sept dessins par semaine pour Maurice, 6 pour Madagascar. Même en vacances, le dessinateur travaille. Et envoie inlassablement à ses rédactions, des dessins qui accrochent, des dessins qui écornent.

2018 : une année faste

Pov aime jongler. Entre les pays, entre les disciplines, entre les sujets. Mais son thème de prédilection à lui, c’est la politique. Alors, cette année d’élection présidentielle à Madagascar, « c’est une vraie manne confie-t-il. Ce folklore, ces gens qui viennent déposer leur candidature en charrette à bœuf, ces mêmes têtes et ces mêmes promesses qui reviennent d’une présidentielle à l’autre, les faux départs avant même le début de la campagne, ce sont des choses qui sont drôles et tristes à la fois. Le dessinateur en moi s’amuse et le citoyen est triste . Et c’est peut-être grâce à cette ambivalence que Pov arrive à faire passer les messages  comme il faut , avec bien souvent, une longueur d’avance.  Les gens me disent que je suis un devin. Non, c’est juste l’histoire qui se répète avec les mêmes causes et les mêmes résultats. Personnellement, je m’attends déjà à une crise post-électorale … 

Je n’informe pas, je commente

 

Dessin du 25 août 2018, intitulé « S.O.S. Madagascar », publié dans l'Express de Madagascar.

Dessin du 25 août 2018, intitulé S.O.S. Madagascar, publié dans l'Express de Madagascar. © Courtoisie Pov

 

Comme ses dessins, moqueurs, insolents, sarcastiques, Pov est cynique. Sur le dessin daté du 20 février dernier, intitulé Le retour du Messie , il a dessiné l’ex-président de la transition Andry Rajoelina en 2009, bottant la Grande Île dans la boue ; puis revenant en 2018, avec une bouée à la main, pour la sauver de la noyade. A son grand étonnement, cette caricature a été partagée près de 1500 fois en deux jours. Les réseaux sociaux ont donné une visibilité incroyable à son travail.

Le métier n’a pas changé, mais la diffusion, elle, oui. La priorité de l’artiste-journaliste reste bien sûr les lecteurs de l’Express. Mais Pov poste désormais sur Facebook chacun de ses dessins. Le nombre de like est un bon indicateur du succès du dessin, mais en aucun cas, jure-t-il, un but en soi. Tacler un politique pour obtenir l’adhésion des internautes, c’est facile dit-il. Mais ce n’est pas ce qu’il recherche. Lui veut provoquer l’intérêt du lecteur. Et pour ça, il applique la même méthode depuis vingt ans, bien avant l’arrivée des réseaux sociaux.  Le choix de mes sujets, je le dois à l’expérience et à un vrai travail de veille. Je me mets à la place du rédacteur en chef, et je me dis Pov, que mettrais-tu en Une demain ? J’arrive à anticiper, à savoir si telle actualité va mourir demain et si telle autre va durer. Certains informateurs me donnent des billes, mais je reste prudent : je n’ai pas les moyens de vérifier. Alors je fais beaucoup de recherches. Je croise. Mais attention, je n’informe pas : je commente ce qui s’est déjà passé. 




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