Science : Mandingha Kosso Etoka-beka, « Si on sensibilise les jeunes femmes à opter pour les sciences, on aurait des merveilles. »
Mandingha Kosso Etoka-beka est docteur en biologie et
enseignante à
la faculté des sciences et techniques, département de biologie à l’Université
Marien NGOUABI, en République du Congo. Elle est aussi attachée de Recherche à
l’Institut National de Recherche en Sciences de la Santé. Elle est passionnée
par les sciences et très impliquée dans la promotion de la science et de
l’innovation dans la jeunesse congolaise, particulièrement dans la jeunesse
féminine congolaise.
digipnews.net s’entretient ici avec
l’Ambassadrice du Next Einstein Forum (NEF) pour la
République du Congo (2017-2019) nous parle du concept NEF et de ses activités,
mais aussi de ses travaux de recherche en cours.
Mandingha Kosso Etoka-beka : Qu’est ce qui a concouru à votre choix
comme Ambassadrice NEF-Congo ?
Ce qu’il faut savoir, il y a
un appel d’offre à chaque fois qu’il y a renouvellement de candidature, avec un
certain nombre de critères à remplir. Pour ma part, j’avais postulé au même
titre que d’autres candidats. J’ai eu beaucoup de chance d’être retenue parmi
de nombreuses candidatures pour représenter mon pays. Si je me fie au mail que
j’avais reçu pour ma rétention, j’ai été retenue sur 300 candidatures, mais je
ne saurai pas vous donner exactement de quels pays ou continents venaient ces
candidatures. C’est un processus assez sélectif.
Quel
est le rôle d’un ambassadeur du NEF dans un pays ?
Tout d’abord, le Next
Einstein Forum (NEF) est une plate-forme qui œuvre pour promouvoir la recherche
scientifique et l’innovation technologique en Afrique. Au sein du NEF, nous
croyons que le prochain Einstein sera africain ! Les jeunes d’Afrique ont
le potentiel, mais ils n’ont pas un accompagnement nécessaire pour pouvoir
s’exprimer au sommet de leurs capacités. Donc, le but c’est de trouver cette
étoile brillante parmi de nombreux jeunes africains et
aussi, à travers la plate-forme, relayé tous les appels d’offres de
formation et autres concernant les sciences et intéresser les gens à la
recherche scientifique.
Sur ce, le NEF cherche des
jeunes scientifiques qui sont passionnés des sciences pour représenter la
plateforme pendant un mandat donné et qui vont œuvrer à promouvoir la recherche scientifique et l’innovation technologique dans leur pays,
pendant une période donnée. Donc, on doit intéresser les jeunes, les plus âgés
et ceux du monde politique, c’est à dire, des décideurs qui mettent la
politique scientifique en exécution afin que les sciences soient vues au
premier plan.
C’est à travers les
activités visibles telles que la semaine africaine des sciences que nous
agissons et nous organisons ce genre d’activités pour intéresser tout le monde
et montrer l’importance des sciences.
Mettons
le cap dans votre laboratoire, quels sont vos travaux en cours ?
Mes travaux de recherche sont
basés sur le paludisme et je vais y ajouter d’autres maladies tropicales que
nous rencontrons dans notre pays.
Qu’est
ce qu’il faille pour stopper voire éradiquer le paludisme en Afrique, en
général et au Congo, en particulier ?
Alors pour éradiquer le
paludisme, c’est un grand combat ! Nous avons plusieurs facteurs qui
faudrait combattre. Le Congo étant dans une zone tropicale, nous sommes
« défavorisés » par l’environnement à cause de la présence des
moustiques. Notre zone est le milieu propice pour la reproduction des moustiques.
Donc, il faut un certain nombre d’hygiène de vie, d’hygiène sanitaire autour de
nous.
Lorsqu’il y a des eaux
stagnantes, il y a des moustiques. Il faudrait respecter les consignes de
sécurité, dormir dans les moustiquaires. Pour ceux qui se soignent contre le
paludisme, il faut au préalable voir le médecin avant de prendre les
médicaments. Il ne faut pas pratiquer l’automédication car cela favorise les mécanismes de résistance
thérapeutique. Il faut surveiller toujours sa santé afin qu’il n’y ait plus la
recrudescence de l’infection et autres.
Je sais que ce n’est pas
facile, mais pas impossible non plus, parce qu’il y a d’autres pays d’Afrique
qui ont réussi à éliminer voire éradiquer le paludisme. C’est un combat que
nous devons tous mener : le ministère de la santé, au sein de la
population, du ministère de la recherche scientifique.
Plus
d’un observateur pense que les scientifiques congolais sont quasiment absents
sur le monde scientifique. Quelle est votre appréciation ?
Je ne dirai pas que les scientifiques
congolais ne sont pas au devant de la scène au niveau international. Il y a des
scientifiques congolais qui sont connus au niveau international. L’exemple
patent, Madame Francine Ntoumi qui a reçu
plusieurs prix internationaux. D’ailleurs, elle a commencé a gagné les prix à
l’étranger avant même dans son pays, le Congo. Cependant, il faut reconnaitre
aussi que nous avons une barrière de langue avec l’anglais est la langue de
prédilection de la recherche scientifique.
Or, nous sommes un pays francophone
et donc, les scientifiques congolais sont obligés de travailler deux
fois : d’abord, apprendre l’anglais pour pouvoir être au même niveau que
les autres dans le monde entier. Ensuite, pouvoir s’exprimer. Par ailleurs,
nous avons beaucoup des scientifiques qui sont connus dans les pays
francophones et un peu moins sur le monde anglophone. Alors que le monde
anglophone est beaucoup plus mis de l’avant comparativement au monde
francophone.
Parlant
de la semaine africaine des sciences au Congo, Quels ont été les objectifs et
les différentes activités organisées?
Cette édition de la semaine
africaine des sciences a été organisée
dans 25 pays en Afrique, le Congo y compris, en date du 22 au 26 octobre
2018. L’objectif de cette activité était de toucher un certain nombre des paramètres : il y
avait des activités spéciales femmes avec la réalisation par l’incubateur Luzabu
d’un documentaire qui a honoré les
femmes scientifiques congolaises. Le documentaire a été diffusé lors de la
cérémonie d’ouverture. On a organisé aussi les activités qui ont touché les
élèves du niveau primaire, collège et lycée.
Nous avons organisé des
ateliers d’initiation et de formation à l’impression 3D en partenariat avec la
fondation congolaise pour la recherche médicale. Nous avons aussi formé les
enfants au codage informatique. Les universitaires avaient aussi bénéficié
d’une activité et à cette occasion, nous avons lancé la première édition du
prix du jeune scientifique congolais et nous espérons le pérenniser.
Nous étions allés en milieu
rural plus précisément à l’Ile Mbamou où nous avons formé les enfants sur
l’installation et l’entretien des panneaux solaires. Il fallait aussi toucher
les femmes, les jeunes, les universitaires et ceux qui sont actifs dans le
monde des sciences et de l’innovation. A noter que les deux premiers jours de
l’ouverture de l’événement, nous avons eu une exposition et exhibition des
innovations congolaises. Durant cette semaine, les innovateurs tels que My Aerospace, l’incubateur Luzabu, ont présenté leurs
créations. Aussi, les étudiants de l’Ecole nationale supérieure de
polytechnique ont montré leur savoir faire. Nous avons découvert des jeunes innovateurs
scientifiques congolais
Quelle
leçon avez-vous tiré à l’issue de cet événement ?
Ça été un grand challenge
pour moi, parce que c’est la première fois que j’organisais un événement de
cette envergure. S’agissant des retombées, elles sont plutôt positives dans la
mesure où, nous avons eu beaucoup d’échos positifs venant des écoles et des
parents. D’ailleurs, ces derniers ont contacté les écoles et qu’ils
souhaiteraient la pérennisation de telles d’activités au profit de leurs enfants.
S’agissant des activités scientifiques
menées en milieu rural, d’autres villages qui n’étaient pas concernés souhaiteraient accueillir ce genre d’activités. Bref, on a
eu pas mal de échos positifs dans ce
sens. Et nous sommes satisfaits.
Un
homme, une mission et des moyens. Qui finance vos activités, notamment la tenue de la semaine africaine des
sciences au Congo?
En tant qu’ambassadeur de
NEF, on est, avant tout, bénévole et on se donne de temps pour pouvoir faire ce
genre d’activités. On est soutenu principalement par le gouvernement congolais,
à travers le ministère de la recherche scientifique et de l’innovation
technologique. D’ailleurs, c’est le ministère qui avait pris la tutelle de
l’organisation de la semaine africaine des sciences, dès que nous avons contacté
le ministère. A propos, le ministre Martin Parfait Aimé Coussoud Mavoungou a
été très réactif en nous accompagnant de la soumission jusqu’à l’organisation
de la semaine africaine des sciences. Il y a aussi l’Université Marien Ngouabi
et d’autres structures de l’Etat et privées qui nous ont soutenu. C’est ce
soutien qui nous a permis de réaliser cet événement, une première au Congo. Sans
oublier, le soutien du NEF.
Quel
regard portez-vous sur la place et la volonté des jeunes dans le domaine de la
science ?
Les jeunes sont talentueux,
il suffit seulement de les booster et cette activité a permis de donner une
considération pour soi-même. Les jeunes sont assez ingénieux, mais ils manquent
de l’accompagnement et d’encadrement par des structures habilités. On n’a pas assez
des modèles pour ces jeunes pour pouvoir les accompagner dans leur vision. Un
manque d’encouragement surtout pour les filles parce qu’on est un peu
démoralisée.
Et
quelles en sont les raisons ?
C’est une question
culturelle et sociale. Il faudrait qu’on puisse changer la façon de voir les
choses. Il y a certaines femmes qui ne sont pas fortes de caractère pour
pouvoir supporter la pression des hommes. Si on sensibilise les jeunes femmes à
opter pour les sciences, en mettant à l’écart des préjugés, on aurait de
merveille au Congo. Il y a beaucoup de talent au Congo, il suffit juste de les
dénicher et les faire sortir au devant de la scène.
En
qualité d’ambassadeur du NEF, que comptez-vous faire pour sensibiliser les
jeunes filles à aimer les sciences ?
Etant moi-même jeune femme
scientifique et d’autres comme Francine Ntoumi qui œuvre également dans les
sciences, nous faisons des descentes dans les écoles, orphelinats et autres
endroits pour discuter avec les jeunes femmes. Je pense que, étant leader, les
gens vous suivent parce qu’ils admirent et apprécient ce que vous faites. En
tant qu’exemple, je pense qu’au fur et mesure les jeunes filles comprendront que ce n’est pas sorcier, elles
peuvent le faire.
Un
message à l’endroit des femmes qui peuvent bien aborder le domaine des sciences
mais qui hésitent encore.
Je leur dirai de continuer
de rêver et de travailler dur parce que rien n’est impossible à ceux qui
croient. Je trouve que je ne fais rien d’exceptionnel. Il y a des femmes qui
sont douées et qui peuvent faire de grandes choses et mieux que ce que je fais.
Il suffit de travailler dur et on finira par y arriver.
Propos recueillis par Wilfrid LAWILLA
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